En 1895, le congrès de Limoges voit la naissance de la CGT

Publié le par Union Locale CGT Val de Morteau

Journal "Humanité" / 25 26 27 SEPTEMBRE 2015

Journal "Humanité" / 25 26 27 SEPTEMBRE 2015

Du 23 au 28 septembre 1895, le VIIe Congrès national corporatif de Limoges fonde 
la Confédération générale du travail (CGT). Cette initiative vise à réduire l’émiettement des organisations ouvrières à partir de la Fédération des syndicats et celle des bourses du travail.

En 1886, la Fédération nationale des syndicats (FNS) est le premier essai de regroupement interprofessionnel. Contrôlée par les amis de Jules Guesde, qui la voient comme un appendice du parti politique, elle se heurte à la Fédération des bourses du travail, créée en 1892 puis dirigée par l’anarchiste Fernand Pelloutier. Mais les aspirations unitaires progressent. En 1893, le congrès de la Fédération des bourses invoque « l’unité prolétarienne indispensable » et décide de tenir sa prochaine assemblée à Nantes, 
à l’instar de la FNS. Un congrès commun a lieu en 1894. Il en sort un Conseil national ouvrier chargé de susciter, pour l’année suivante, un congrès fédérateur. Les guesdistes, défaits sur leurs conceptions de l’action syndicale, campent à l’écart.

Pourtant, l’élan est donné et « ces grandes assises du travail » s’ouvrent le 23 septembre 1895. À Limoges, 75 délégués 
représentent 28 fédérations, 18 bourses et 126 chambres syndicales. Quelques figures militantes sont là. Ainsi l’ex-communard Jean Allemane, ou Auguste Keufer, du Livre. Après des échanges sur les revendications, le congrès débat de la physionomie de la nouvelle organisation qui doit « grouper en un seul faisceau (…) toutes les forces prolétariennes ».

Le 27 septembre, ses statuts commencent à être votés, un nom lui est donné. Après le rejet de la proposition Keufer de la baptiser « Confédération nationale ou française », l’article 1er proclame la création d’« une organisation unitaire et collective qui prend pour titre : Confédération générale du travail » (1). Reste à l’habiller de principes rassembleurs.

S’exonérer des querelles partisanes 
sans déserter le champ politique

Si l’objectif de Limoges est de bâtir une maison commune aux travailleurs, il s’agit aussi d’échapper à l’influence des chapelles socialistes. Comme le dit Keufer, sauf à perpétuer les fractures syndicales, il faut se garder des « rivalités d’écoles qui veulent dominer le mouvement ». Les congressistes s’entendent donc pour graver dans le marbre quelques postulats, au premier rang desquels l’indépendance de la CGT. L’article initial de ses statuts s’achève par ces lignes : « Les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes les écoles politiques. » L’atelier et l’usine sont ses champs d’investigation. 
Ces lieux vivants de la lutte des classes sont jugés garants de la cohésion des ouvriers, puisque tous y subissent leur plus puissant dénominateur commun : le procès d’exploitation. C’est ainsi qu’il est annoncé dans l’article 2 des statuts que la CGT « a exclusivement pour objet d’unir, sur le terrain économique et dans des liens d’étroite solidarité, les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale ». La fin de cette phrase suggère une autre de ses valeurs historiques : si la CGT œuvre à améliorer les conditions d’existence quotidienne, elle prépare aussi l’éradication du système capitaliste. Ce que les syndicalistes révolutionnaires traduiront bientôt par l’expression de « double besogne ». La centrale veut s’exonérer des querelles partisanes, mais elle ne déserte pas le champ politique.

Avec le congrès décisif de Montpellier, en 1902, 
la Confédération peut prendre son envol

La manière de renverser le système d’ordre en place fait l’objet de discussions passionnées. L’idée de grève générale progresse, sans faire l’unanimité. Des congressistes profitent d’un débat « pour savoir si le conseil national aura la grève générale dans ses attributions » pour exprimer leurs préventions. Finalement, tant les « grèves partielles » que la « grève générale » sont inscrites au rang des prérogatives confédérales.

Le 28 septembre, quand le congrès se sépare au cri de : « Vive la République sociale ! Vive l’émancipation des travailleurs ! », les pères fondateurs de la CGT ne sont pas sûrs de sa pérennité, même s’ils ont choisi d’y admettre l’ensemble des organisations existantes. La Fédération des bourses garde ses distances et une myriade de syndicats de métier montre peu d’empressement à s’identifier à l’esprit confédéral. Les moyens de fonctionnement de la CGT sont en outre modestes. 
À Limoges, des échanges ont porté sur les subsides à octroyer à la Confédération par les organisations adhérentes. C’est la solution de la moindre cotisation qui 
a été préférée. Malgré cela, l’argent ne rentre guère. 
La CGT qui sort de Limoges est donc mal assurée.
Ses statuts sont modifiés jusqu’au congrès décisif de Montpellier, en 1902. Elle se dote alors de structures reflétant « une unification aussi achevée que possible du mouvement syndical » (2) et peut prendre son envol.

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(1) Les citations sont tirées du compte rendu du congrès.(2) Dans la CGT, de René Mouriaux, éditions du Seuil, 1982.
 
ARTICLE DE STEPHANE SIROT / Journal l'HUMANITE - 25 26 27 SEPTEMBRE 2015
 

Publié dans 120 ème anniversaire

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